INTERVIEWS
Kanaï,
Lyon, 1984
K
: Pourquoi avez-vous fait un groupe ?
HB
: On a décidé de faire un groupe alors qu'on n'avait
aucun local et sans avoir jamais joué d'un instrument.
On voyait les exemples de groupes punks qui se formaient
et on a pensé qu'on avait quelque chose à dire. Le but
n'a pas changé. On veut essayer de propager certaines
idées (anars) et être une partie du mouvement libertaire.
Faire quelque chose par rapport et dans ce mouvement.
K
: Vous êtes donc un groupe politique ?
HB
: Bien sûr.
K
: Vous pensez faire passer quelque chose avec le groupe
?
HB
: Oui, c'est une façon comme une autre de s'exprimer,
plus actuelle et qui peut peut-être toucher plus les
gens, surtout les jeunes. C'est un moyen pas plus mauvais
qu'un autre et les autres, on les fait à côté.
K
: Quelle est votre définition politique ?
HB
: C'est clair, on est tous anars ou sympathisants. On
est anarcho-punks ce qui est une démarcation vis-à-vis
des punks mais aussi vis-à-vis de certains anars.
K
: Quel est votre style musical ?
HB
: Le rock terroriste ! Le rock violent !
K
: Pas du punk ?
HB
: Non, c'est plus rock que punk maintenant. A l'origine
c'était 3 accords joués dans le désordre. Aujourd'hui
on a un peu évolué. Ca ne suffit plus de jouer tout
le temps la même chose, à part si dans un groupe la
musique ne compte pas du tout.
K
: La musique compte beaucoup pour vous ?
HB
: Un peu quand même !
K
: Qu'est-ce qui compte le plus, la musique ou les textes
?
HB
: Les deux, avec un petit avantage aux textes. Mais
ça forme un tout car s'il y a une musique qui rebute,
les textes ne passent pas. En France, contrairement
à l'Angleterre, il n'y a pas assez de gens considérant
la musique juste comme un fond sonore. Il faut donc
une musique écoutable, même si elle est très violente
ou faite de bruitages. Nous faisons d'abord le texte
puis la musique vient après.
K
: Vous sentez-vous punks ?
HB
: Mis à part le batteur qui est fou de Heavy Métal,
on pense que oui. On a été largement influencés par
le mouvement punk. Mais nous ne sommes pas des "punks
not dead", nous sommes punks de par l'essence de
notre révolte.
K
: Que pensez-vous des punks, en particulier sur Lyon
?
HB
: Il n'y a pas d'unité dans le punk, chacun en a sa
définition et c'est là son intérêt. On peu juste définir
quelques limites au niveau de l'attitude, de la musique
et des habits, ainsi que des idées mais qui, elles,
se retrouvent ailleurs que chez les punks. Sur Lyon,
il n'y a plus de mouvement punk véritable, mais des
tendances : punks not dead reconvertis skins, gamins
déguisés, punks avec des idées mais sceptiques vis-à-vis
du mouvement libertaire et anarcho-punks tels Kalashnikov.
K
: Tout à l'heure vous vous êtes définis anars, que pensez-vous
des anars ?
HB
: Sur Lyon c'est un peu mort mais ça c'est aussi à nous
de faire quelque chose. Sinon les anars en général (pas
tous heureusement !) se prennent trop au sérieux, manquent
de fun. C'est trop austère. Les anars lyonnais ne sont
pas prêts à accueillir de nouvelles personnes, ils manquent
de chaleur et même à la Gryffe c'est parfois difficile
d'engager le dialogue avec des gens que l'on ne connait
pas trop. Quand aux réunions, elles sont souvent chiantes
! Pourtant en ce moment il y
a une chance à saisir étant donné qu'il y a un creux
idéologique pour ceux qui sont ouverts à la révolte.
Avant ils votaient communiste ou socialiste en espérant
voir un changement avec un gouvernement de gauche. Mais
ils ont vu le changement ou plutôt ils n'ont rien vu
et il y a un trou que les anars et nous avons la possibilité
de boucher. On ne le bouchera pas complètement avec
le groupe et le journal mais c'est déjà faire quelque
chose.
K
: Militez-vous à côté de HB ?
HB
: Certains oui. Mais les activités militantes traditionnelles
semblent assez inefficaces. Il faudra trouver autre
chose que les bombages et les affiches. A nous de voir
! Car tu peux bomber "A bas l'armée", c'est
inutile si les gens ne comprennent pas pourquoi ils
n'ont pas besoin d'armée.
K
: Projets ?
HB
: Plutôt rêves ! Trouver un local pour organiser des
concerts sur Lyon, faire bouger les groupes, essayer
de sortir une compilation des groupes punks lyonnais
en autoproduction car la façon de faire passer le message
compte autant que le message !

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